Revue Savoir/Agir n° 59-60, L’université n’est pas une entreprise
EAN13
9782365123884
ISBN
978-2-36512-388-4
Éditeur
Croquant
Date de publication
Collection
REVUE
Nombre de pages
120
Dimensions
23 x 16 x 1 cm
Poids
274 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Revue Savoir/Agir n° 59-60

L’université n’est pas une entreprise

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« L’université n’est pas une entreprise ! ». Ce slogan a scandé les dernières mobilisations contre les réformes des universités, qui se sont multipliées ces dernières décennies. Pourtant, à y regarder de plus près, force est de constater que l’enseignement supérieur et la recherche se distinguent de moins en moins des entreprises dans ses modes de gouvernance : la collégialité se voit concurrencée par la centralisation du pouvoir dans les mains de gestionnaires, l’autonomie par l’évaluation constante et le financement sur projet, ou encore la solidarité par un morcellement croissant des corps des salarié-e-s et de leurs intérêts respectifs. Ce numéro propose ainsi de revenir sur ces métamorphoses, de leur esprit à celles et ceux qui les appliquent et les vivent au quotidien. Les articles qui le composent peuvent ainsi contribuer à éclairer, par mosaïques, certains éléments de ces transformations universitaires et dégager les dynamiques de leurs appropriations, des accommodements et des résistances qui ne manquent pas d’advenir.


En s’interrogeant tout d’abord sur les savoirs qui ont présidé à ces métamorphoses et sur les modalités de leur circulation et de leur application au sein des universités et des organismes de recherche, le numéro entend revenir sur la séquence des réformes des universités de ces dernières décennies. Quand on constate la convergence des réformes et qu’on en dégage un « esprit », quand on parle de « modèles » d’universités qui se diffusent, il reste difficile de saisir empiriquement ce qui circule et de quelle manière. Quentin Fondu, Mélanie Sargeac et Aline Waltzing retracent ainsi l’histoire du programme de gestion des établissements d’enseignement supérieur de l’OCDE (1969-2016), qui contribue à créer de nouveaux savoirs sur et pour la gestion des universités, et à former de nouveaux agents du monde académique, dépositaires à la fois d’une légitimité scientifique et d’un pouvoir administratif. Christophe Charle retrace quant à lui les difficultés réformatrices auxquelles s’est trouvé confronté le pouvoir politique au cours des soixante dernières années en France : il en conclut notamment au morcellement grandissant des corps enseignant et administratif au sein de l’université, marqué en particulier par l’augmentation de la précarité, ce qui rend désormais difficile toute perspective de revendication collective. En prenant pour objet les rapports à l’origine de ces réformes, Joël Laillier et Christian Topalov montrent que les réformes en question, loin d’être inefficaces, ont contribué à une refonte en profondeur des modalités d’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Toutefois, c’est surtout la description chronologique de ces reconfigurations qui leur permet a posteriori d’en dégager leur doctrine commune.


Cet « esprit » de la réforme, dont la cohérence ressort après coup, doit également être appréhendé au travers de ses relais nationaux et locaux, qui permettent son application à ces différentes échelles. Pour suivre cette « chaîne d’actions réformatrices », Etienne Bordes prend pour objet la Conférence des présidents d’université et ses métamorphoses. Au départ marqué par une forme d’autonomie et de collégialité, elle fonctionne depuis quelques décennies davantage comme une courroie de transmission de plus en plus directe entre ministère de l’ESR et établissements. À une autre échelle, Mathieu Uhel montre le rôle charnière de l’encadrement intermédiaire dans la transformation de l’université de Caen : fort d’un pouvoir grandissant et de formations de plus en plus spécifiques – souvent assurées par des organismes privés –, ils échappent aux règles de collégialité qui prévalaient antérieurement au sein de cet univers pour appliquer un management plus vertical et descendant. Audrey Harroche s’intéresse également aux personnes qui se font les relais, plus ou moins volontaires, des politiques d’excellence dans les établissements labellisés « Idex »Â : elle observe que, dans un contexte de manque de moyens structurels, les perdants du jeu de l’excellence ne s’y opposent pas, dans l’espoir d’y gagner un jour.


Si ces transformations ont en premier lieu des conséquences sur les conditions de travail des personnels de l’ESR et sur les étudiant-e-s, elles déterminent également des métamorphoses plus profondes, des modalités de financement et des représentations sur le monde universitaire. Revenant sur la fusion des différentes universités à Strasbourg en 2008 et sur le poids grandissant des appels à projets dans le financement de la recherche, Jay Rowell revient sur la marginalisation des sciences humaines et sociales (SHS) qui en a découlé, insuffisamment dotées et adaptées à ces nouvelles formes de mise en concurrence des personnes et des disciplines. Rogue ESR et Camille Noûs, enfin, nous enjoignent à la résistance collective, face à la passivité voire au cynisme : on ne tire jamais aucune épingle de ce jeu-là et, plus encore, on se retrouve parfois, bien malgré nous, les relais de ces réformes et de leur esprit. D’où la nécessité d’y réfléchir ensemble et de lutter de concert.
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